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De Beijing à Oulan Bator, le train chinois


 

2/9. L'hôtel est maintenant envahi de policiers et de militaires. On ne peut plus ni entrer ni sortir, les contrôles sont partout... Plus de contact WhatsApp, et le blog est complètement censuré, on y a plus accès... Il est vrai que je n'ai pas été tendre avec la Chine. Mais que le pouvoir puisse bloquer aussi vite est un peu inquiétant... Vais je pouvoir partir d'ici ? A l'heure dite, je descends dans le hall, un Chinois se précipite sur moi, c'est mon contact... Il me dit à voix basse qu'il m'exfiltre de l'hôtel avec la voiture de l'ambassade russe, pour ne pas avoir d'ennui. On nage en plein roman, mais effectivement je sors encadré de gardes du corps russes pendant que les soldats chinois me saluent ! J'affecte d'être important, et nous passons tous les barrages, pavillon russe claquant au vent, bien dissimulés, mon contact et moi, derrière les vitres fumées de la berline noire... Mon sauveur m'explique que leur agence travaille avec les trains russes, et qu'ils ont trouvé ce moyen pour ne pas avoir d'ennuis. Mais, me dit-il, si je n'avais du partir que demain, j'étais coincé ! Jusqu'à quel point, je ne le saurais jamais...
Les rues sont vides à cause du défilé, nous ne mettons que quelques minutes pour arriver à la gare, où nous retrouvons la foule, canalisée, contrôlée, passée par des portiques de sécurité, pendant qu'une policière juchée sur une estrade lance des ordres aux gens par haut-parleur. Trois soldats, treillis, casquettes et lunettes noires surveillent tout cela du haut d'un petit mirador au milieu de la place. Quelle ambiance !
Mon guide m'entraîne vers le train, on me désigne ma cabine, et le convoi s'ébranle... Whaouh ! Être dans un train chinois, en route pour la Mongolie et Oulan Bator ! Dans une petite cabine vernissée, avec une minuscule table recouverte d'une nappe blanche, une petite douche commune avec la cabine voisine. Le soleil luit sur la théière posée sur la table, à côté d'une coupelle de verre. La banquette et le fauteuil sont recouverts d'une étoffe damassée d'un carmin un peu passé... Tout le passé et l'imaginaire des vieux trains de légende remontent d'un coup... Dehors, nous traversons la Chine moderne des tours et des barres. Mais ici, dans le train, le temps n'a pas de prise. Nous sommes encore au siècle dernier, et son charme pâli n'est pas évanoui...
Nous parcourons de grands espaces de moyennes montagnes, mais très escarpées. Des villages passent, comme Sheu Shang, tous sur le même modèle, petites maisons sans étage aux murs et au toit de tuiles ocres et roses, ou des villes telles que Zhangjiaku, immeubles hauts et centrales fumantes. De temps en temps, une pagode, une tour en haut d'une colline, ou un morceau de muraille nous rappellent que nous sommes en Chine...
Puis des grandes plaines, de plus en plus steppiques, et au milieu, des villes modernes, des autoroutes, des ponts en construction, des chantiers partout !
Confort un peu spartiate, le wagon-restaurant est loin de l'Orient express, avec son bol de riz et son air de cantine industrielle. Qu'importe ! Je suis dans le train chinois vers la Mongolie !
La nuit tombe, le soleil s'est couché sur la steppe qui a maintenant envahi l'espace. Nous approchons de la frontière mongole...

 

3/9. L'endormissement dans la steppe a été de courte durée... A Erlian, arrêt pour contrôle des passeports et changement des boogies, l'écartement des rails n'étant pas le même... Pas mal de gens descendent acheter des victuailles dans la gare (on est tous un peu affamés !), mais quand on veut regagner le train, il est parti ! Il reviendra dans deux heures, avec de nouvelles roues... Alors, on sort les bouteilles et on commence à trinquer, un Bulgare, un Russe, deux Américains, une Galloise, un Écossais, un Suisse, un Chinois, une Anglaise et un Français, moi. L'alcool aidant, on parle, on rigole, on fume, on se met à chanter des chants de chaque pays ! Ma Marseillaise fait grand effet... Le Bulgare drague la Galloise, l'hymne américain est chanté en cœur... Et la gare est un peu ruinée ! Les Chinois se marrent (c'est rare), on leur offre de la vodka. Grand moment de fraternisation ! Je me rappellerai d'Erlian, à la frontière mongole, dans une gare improbable, en pleine nuit...
Départ d'Erlian, un quart d'heure après, contrôle mongol. Je suis en Mongolie ! Mais j'ai bien envie de dormir... Il est deux heures du mat, et ça fait cinq heures qu'on zone sur le no man's land...
Réveil, premier coup d'œil par la fenêtre, coup au cœur : la steppe, à l'infini, et une yourte, plantée là au milieu de rien... Quelque temps après, d'autres yourtes, avec un troupeau autour. Gigantesque plaine plate, végétation herbeuse très rasé... Cette fois, on y est bien !
Le paysage mongol que nous voyons du train est incroyable. Une immensité sans limite, aux lignes pures, pas un arbre, pas de village, des yourtes isolées de loin en loin, des troupeaux de vaches, de chevaux, parfois des chameaux... J'y retrouve les espaces ouverts sahariens, sans obstacle pour arrêter l'œil, mais couverts d'herbe, entre vert et jaune...
Dans la nuit, le wagon-restaurant chinois a été remplacé par son homologue mongolien, doré, sculpté, avec des panoplies d'arcs et de carquois, et bien achalandé... On y gagne au change !
Le paysage change... Nous passons par des massifs de collines, toujours tapissées de vert, mollement ondulées et érodées... Tout cela reste très vaste, et aussi très doux...
Arrivée à Oulan Bator (le héros rouge, nom donné durant la période communiste)... Allongée dans une large vallée, il y a bien au centre quelques immeubles de plusieurs étages, mais chacun a une couleur différente, et ils sont de plus entourés d'une multitude de maisons individuelles dont chacune a un toit rouge, bleu, jaune, très flashy ! La ville y trouve une ambiance assez gaie... Dans le jardin de la plupart de ces petites maisons, une yourte est plantée, et l'on sent que le nomadisme est culturellement toujours très présent.
Nous quittons le train chinois, qui continue vers Moscou. Pour moi, arrêt ici, je prendrai demain le train russe, que j'espère un peu plus confortable...
Pour le moment, départ vers un parc naturel pour trouver un hébergement cette nuit dans une yourte...

 

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