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De Berlin à Paris, dernière étape...

 

 

21/09. Réveil brutal, 6h du mat, avec une pensée fulgurante : ce soir je suis chez moi ! Difficile à croire, à accepter... Tripes nouées. Comment arrêter de voyager, de rouler, de prendre des trains, de voir le monde défiler devant soi ? J'ouvre les rideaux. Le soleil levant est exactement dans l'axe de la chambre, plein est. Je viens de là ! Clin d'Å“il amusé du monde... Hauptbahnhof de Berlin, train vers Göttingen, Frankfurt (am Main), Mannheim, où je dois changer, parce que le seul train direct Berlin-Paris, c'est le train russe qui vient de Moscou, et que j'ai justement quitté pour connaître la capitale allemande... Un monde ! Je dois donc changer pour prendre un TGV vers Paris. Un TGV français... C'est vraiment la dernière étape...

Et puis, c'est l'arrivée, par la Gare de l'Est. Tout bonnement. J'ai pris le train à Shanghaï, et j'arrive Gare de l'Est... Finalement, c'est simple. On monte en Chine dans le train, on descend à Paris. Pas compliqué. On se demande pourquoi les gens ne voyagent pas plus ! La jonction est possible, elle est faite, je suis arrivé en train, c'est à dire à pied, par la Chine... J'aime bien ça, arriver à la Gare de l'Est, tranquillement, après avoir tourné tout autour du monde, à travers les grandes plaines, les Rocheuses, les steppes mongoles, la Bouriatie, le pays des Tatars, des Kazakhs, des Bélarus, et j'en passe... Et, ma modestie dut-elle en souffrir, j'avoue une (grosse) pointe de contentement et de fierté pour ce voyage rare, qui se finit à la Gare de l'Est !


J'appelle un taxi, il me demande d'où je viens. Un peu ennuyé pour lui répondre... En fait, je viens de... Paris ! D'habitude on va quelque part, puis on en revient. Là, je n'ai été nulle part, d'une certaine façon. Je n'ai fait qu'aller à Paris, mais en venant de Paris ! C'est un peu compliqué, je lui dis de Mannheim, ça lui va bien, je lui donne mon adresse, j'arrive devant mon immeuble, j'appelle l'ascenseur, je monte, j'y suis... Et bien voilà, c'est fini. Le Tour du monde en soixante jours... J'ai sorti ma clef de mon sac, et elle rentre juste là, dans cette serrure, en ce point du monde précis. Pourquoi ce point là ? C'est étrange, le monde est vaste, mais ces quelques mètres carrés, derrière la porte qui va s'ouvrir, c'est chez moi... Ce n'est pas à moi, c'est juste chez moi. Et c'est tout petit, chez moi, par rapport aux grandes plaines, montagnes et steppes que j'ai parcourues, et où je me suis senti aussi chez moi. Chez moi, c'est ici, mais c'est clairement aussi le monde entier, voire l'univers. Mais par convention, il y a un point minuscule qui m'est attribué, qui m'a été donné. Pourquoi là, et pas à Tombouctou, en Mongolie inférieure, dans la Sierra Nevada ou en Sibérie orientale ? Pourquoi ce pays, cette ville, cette maison, cet étage, ce corps ? Je sais, pas très original, comme interrogation. Quand même, ça fait songer... D'habitude, on ne se pose pas de question, ça paraît normal, on est soi, chez soi, le reste c'est l'Autre, l'Ailleurs. Mais quand on revient de cet immense ailleurs, qu'on a partagé avec l'autre, et qu'on est devenu un peu autre ? Et qu'il faut se reglisser dans sa propre peau, reprendre ses habitudes, ses combats, ses douleurs, ses joies...? Supporter à nouveau les attaques mesquines, les obligations pesantes, mais aussi retrouver les enthousiasmes, les amours et les amitiés de roc... Rentrer, quoi... Alors là, ça devient plus compliqué...

Mais pourquoi ne suis-je pas bouriate ?
 

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